Croyants et musulmans

Le fait religieux implique par définition la question de la Foi, or dans la Révélation, la croyance, fermement ancrée dans les cœurs avec les implications spirituelles qui en découlent, est distinguée de la pratique religieuse proprement dite. Ainsi, si le croyant est nécessairement un musulman (litt. « soumis à Dieu »), être musulman ne signifie pas forcément être arrivé au degré de la Foi.

Dieu dit :

Les nomades affirment : « Nous croyons en Dieu ! » (âmannâ) Dis-leur : « Vous n’avez pas encore la Foi ! Dites plutôt : “Nous nous sommes seulement soumis” (aslamnâ), car la Foi n’a pas encore pénétré dans vos cœurs. Mais si vous obéissez à Dieu et à Son Prophète, Il ne vous lésera en rien dans vos œuvres, car Dieu est Clément et Miséricordieux. » (s49v14)

Dans notre article intitulé « Le soufisme, au cœur de la Foi », nous évoquions les trois degrés authentiques dans la manière d’investir la religion : al-Islâm (la soumission à la prescription divine), al-Imân (la Foi) et al-Ihsân (la perfection). Ici nous retrouvons le degré de l’Islâm dans le mot aslamnâ (« nous nous sommes soumis ») et le degré de la Foi dans le mot âmannâ (« nous croyons »). Le verset fait donc une différence entre musulmans et croyants, car ils répondent à deux définitions différentes.

La première désigne l’adoption, de manière partielle ou plénière, par choix ou par filiation, des normes de l’Islam, qu’elles soient comportementales ou intellectuelles, comme dans le verset « Obéissez à Dieu et au Prophète afin de bénéficier de la grâce divine ! » (s3v132), ou encore « Obéissez donc à Dieu ! Obéissez au Prophète ! Prenez garde ! Mais si vous vous détournez du Seigneur, sachez que Notre Prophète n’a d’autre mission que de vous transmettre clairement le Message. » (s5v92). Un autre exemple avec ce passage du Livre Saint : « Et lorsque J’ai révélé aux Apôtres : “Croyez en Moi et en Mon Envoyé [Jésus] !”, ils répondirent : “Nous y croyons, et Tu es Témoin que nous sommes entièrement soumis (muslimûn).” »  (s5v111)

La seconde définition renvoie à la mise en application commune des normes prescrites et d’un cheminement spirituel vers le Divin, par un effort de sincérité dans la pratique de la Foi et la recherche de proximité avec Dieu : « Ô vous qui croyez ! Craignez Dieu et efforcez-vous de trouver le moyen de vous rapprocher de Lui ! Déployez vos efforts pour Sa cause, ainsi vous réussirez ! » (s5v35). Le Texte Sacré précise que « Les vrais croyants sont ceux qui ont foi en Dieu et en Son Prophète, sans plus jamais connaître de doute, et qui mettent leurs biens et leurs personnes au service de Dieu. Tels sont les croyants sincères. » (s49v15)

Si la simple pratique des directives islamiques peut avoir une motivation sociale ou culturelle, comme c’est malheureusement trop souvent le cas, le croyant est motivé par la purification de son âme, en vue d’enraciner une Foi véritable à l’intérieur de lui. Par cette Foi, il trouvera la lucidité et la force nécessaire pour mener une vie authentique au regard de la responsabilité adamite : « Combien de prophètes, suivis d’un grand nombre de disciples, ont combattu pour défendre la Cause de Dieu, sans jamais se laisser abattre par les épreuves, ni faiblir ni abandonner la lutte ! Dieu aime les gens persévérants. Les seuls mots qu’ils répétaient étaient les suivants : “Seigneur ! Pardonne-nous nos péchés et nos excès, affermis nos pas et accorde-nous la victoire sur les infidèles.” Dieu leur accorda donc la récompense de ce monde et la belle récompense de la vie future, car Dieu aime les gens bienfaisants. » (s3v146-148)

L’effort demandé ici est à la fois temporel et spirituel. En effet, il est impossible d’élever une Civilisation de la Foi à partir d’un héritage familial perpétué passivement pour des raisons culturelles ou par effet de mode: il faut, au contraire, une conscience religieuse réellement fixée dans les cœurs et correctement assimilée qui soit un moteur de notre vie. Vivre sa Foi, c’est aussi, et surtout, prendre ses responsabilités en tant que représentant de Dieu sur Terre. Le fait religieux est donc le vent qui souffle sur la voile et non la décoration d’un navire qui voudrait se différencier par ce qu’il est, plutôt que de s’épanouir par le Souffle qui le pousse et lui donne vie. Ainsi la ferveur religieuse ne réside pas dans l’excès de zèle ou dans la surreprésentation des attributs de la Foi, par ostentation ou ignorance, mais dans la recherche de l’excellence, al-Ihsân, qui est sa finalité réelle au quotidien : « En vérité, Dieu ordonne l’équité, la bienfaisance et l’assistance (al-Ihsân) envers les proches, et Il interdit la turpitude, les actes répréhensibles et la tyrannie. Dieu vous exhorte ainsi pour vous amener à réfléchir. » (s16v90)

En effet, « Y a-t-il d’autre récompense pour l’excellence (al-Ihsân) que l’Excellence (al-Ihsân) [elle-même] ? » (s55v60)

 

Gloire à Dieu, Seigneur des mondes !

 

6 Commentaire(s)

  • khadija
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    khadija

    Lundi 14 juillet 2014 à 04h27

    Essalam aleykoum wa rahmatouAllah wa barakatouh


    Il y a donc soumission puis Foi?


    est-ce qu'il y a différents degrés ou types de soumission?


     


     

    • Rémy Savin
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      Rémy Savin

      Lundi 14 juillet 2014 à 14h38

      As Salam alaykoum.


       


      Merci pour votre commentaire qui vient enrichir le sujet.


       


      Pour vous répondre :


       


      Absolument, on peut résumer cela avec votre formule même si celle-ci néglige certains aspects du problème, mais s'il s'agit de cibler les premiers pas du fidèle, alors elle correspond parfaitement.


       


      Entendons-nous bien cependant : le croyant est celui qui a un crédo dans le cœur, comme n'importe quel musulman, mais pour qui ce crédo est la base initiale d'un chemin de Foi. Il s'agit de vivre sa Foi en Dieu de manière active, en mouvement, et de ne pas se laisser simplement bousculer par le cours des choses. L'article répond en partie à ce sujet, mais pour le reste c'est la spiritualité qui prend le relai.


       


      Concernant l'autre question, il y a effectivement différents degrés dans la soumission à Dieu. Le plus bas degré est celui de l'adoption de la Norme prescrite pour des raisons sociales ou matérielles. Le plus haut degré est lorsque que la pratique des prescriptions divines est portée par une expérience de la Foi réalisée, c'est le cas des saints authentiques. Il y a en effet une différence entre ceux qui sont portés par la pratique des prescriptions divines, et ceux qui portent en eux la Vérité de la Norme révélée, et deviennent eux même un argument de la Norme, une vérité qui scintille au regard des autres.


       


      Salam alaykoum.

    • Dicka
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      Dicka

      Lundi 14 juillet 2014 à 16h04

      As-salam aleykoum


      Je voudrai savoir si le désir de renforcement de la Foi peut venir naturellement ou bien il découle toujours d'une épreuve. Dans la mesure où Allah (SWT) dit: "Est-ce que les gens pensent qu'on les laisse dire: Nous croyons ! Sans les éprouver? (S 29; V2). 


      Aussi, d'après Abou-Hourayra (qu'Allah l'agrée) " Parfois un homme a un certain statut chez Allah qu'il ne parvient pas à atteindre par ses actes, Allah ne cesse alors de l'éprouver avec ce qu'il déteste jusqu'à ce qu'Il l'y fasse parvenir" (rapporté par Ibn Hibbân et El-Hâkim).


      Si on doit démontrer la place des épreuves dans le renforcement de la Foi, est- ce qu'on peut se permettre de dire que ce sont les épreuves qui constituent en quelque sorte l'examen de passage du plus bas degré au plus haut degré?


      was salam.

    • khadija
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      khadija

      Lundi 14 juillet 2014 à 17h22

      merci pour vos réponses.

    • Rémy Savin
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      Rémy Savin

      Mardi 15 juillet 2014 à 00h23

      @Dicka :


       


      As Salam alaykoum, ma chère sœur :


       


      Absolument, les épreuves constituent les examens de la Foi, mais aussi et surtout autant d’occasions de découvrir sans cesse le Divin, et se rapprocher de Lui, qu’Il soit loué et glorifié. Plutôt, les épreuves constituent le cheminement de l’itinérant, à travers lesquelles il va pouvoir enraciner solidement la Foi à l’intérieur de Lui, et développer une relation de proximité avec le Divin. Ainsi, tandis que les musulmans de tous les jours supplient le Divin de les soulager de leur épreuves, ce qui est déjà bien mieux que de désespérer ou de chercher refuge ailleurs que dans Sa Miséricorde, loué soit-Il, les Sages aux contraire ont leur cœur en chagrin lorsqu’ils ne sont pas éprouvés, et demandent à Dieu de les aider à être à la hauteur lorsque l’épreuve se présente, sans jamais chercher à la fuir.


       


      Quelques versets qui évoquent cela :


       


      Alif - Lâm - Mîm. Les hommes s'imaginent-ils qu'on les laissera dire : «Nous croyons» sans les mettre à l'épreuve? Nous avons déjà mis à l'épreuve ceux qui les ont précédés. Dieu connaît parfaitement ceux qui disent la vérité et ceux qui ne font que mentir. Ceux qui commettent de mauvaises actions croient-ils pouvoir Nous échapper? Comme ils raisonnent mal ! Celui qui espère rencontrer Dieu doit savoir que le terme fixé par Dieu aura immanquablement lieu et que Dieu est Celui qui entend tout et qui sait tout. Quiconque lutte pour la Cause de Dieu ne lutte en réalité que pour lui-même, car Dieu Se passe volontiers de tout l'Univers. Ceux qui croient et font le bien, Nous effacerons leurs péchés et Nous les rétribuerons selon les meilleures œuvres qu'ils auront accomplies.


      (Sourate 29 versets 1 à 7)


       


      Wa s Salam !

    • Dicka
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      Dicka

      Mardi 15 juillet 2014 à 15h13

      Merci pour cette réponse et surtout pour nous avoir édifié sur l'attitude des sages face aux épreuves.


      As Salam Alaykoum. 

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