L'Islam et les violences conjugales

Question 

Dans le Coran il y a un verset où Dieu dit de frapper les femmes et il y a un Hadith où il est rapporté que le prophète ﷺ aurait exercé de la violence conjugale envers Aicha en la frappant. Qu’en est-il ? 

Réponse

Dieu dit dans le Coran : 

« Certes, Nous avons honoré les fils d’Adam. Nous les transportons sur terre et sur mer et Nous leur donnons de bonnes choses comme nourriture. Nous les avons nettement préférés à beaucoup de Nos créatures. » (Sourate 17:70) 

Ce verset témoigne de l’importance que Dieu a donné à l’être humain sans distinction de sexe, de race ni de religion, puisqu’Il parle de Fils d’Adam d’une manière générale. Si Dieu a honoré l’Homme en lui donnant une place si particulière, ce n’est sûrement pas pour qu’un autre être humain le déshonore et lui fasse perdre sa dignité. Déshonorer un être que Dieu a honoré revient à manquer de respect au Créateur et cela est un péché manifeste. 

L’islam demande-t-il de frapper sa femme et d’être violent ? 

Il faut savoir que la traduction est elle-même un effort d’interprétation, de plus la langue arabe diffère grandement de la langue française. 

Le Coran est un texte sacré écrit en langue arabe. 

« Nous l'avons fait descendre sous forme d'un Coran arabe pour que vous puissiez raisonner. » (Sourate 12 :2) 

La langue française dispose d’un lexique d’environ 500 000 mot alors qu’en arabe le nombre de mots disponibles dans le lexique est supérieur à 12 millions. Il est donc normal que certaines subtilités présentes en arabe ne puissent pas être transcrites fidèlement.                                              C’est pourquoi en français parfois il est nécessaire d’avoir recours à une périphrase ou à un étoffement, pour désigner ce que l’arabe exprime en un mot. 

Le mot frapper correspond donc à la traduction pauvre d’un lexique riche.  D’ailleurs même en français le mot frapper peut avoir un sens propre et un sens figuré. On dit par exemple « frapper les esprits » .

Intéressons-nous donc au mot ضرب dans Le livre révélé.

En arabe ce mot apparaît plusieurs fois dans le Coran et à des significations autre que frapper physiquement.

Dieu dit dans un verset: أَلَمْ تَرَ كَيْفَ ضَرَبَ اللَّهُ مَثَلًا 

En phonétique ce verset s’écrirait comme suit : Alam tarâ Kayfa daraba allahou mathalan  

Le verset dans sa totalité est traduit ainsi:  

« N'as-tu pas vu comment Dieu attire votre attention en utilisant la parabole » (Sourate 14.24) 

On pourrait donc traduire ici le mot « DARABA» par interpeller, attirer l’attention. 

Dans un autre passage Dieu dit :

 وَآخَرُونَ يَضْرِبُونَ فِي الْأَرْضِ يَبْتَغُونَ مِن فَضْلِ اللَّهِ ۙ وَآخَرُونَ يُقَاتِلُونَ فِي سَبِيلِ اللَّهِ 

En phonétique on trouve le mot ayant pour racine « DARABA »3 eme personne : Wa akharoun yadribouna fil ardi, dans ce cas le mot DARABA signifiE fouler/ parcourir. 

« Les autres foulent/parcours  le sol » 

Le verset se traduit ainsi en français  :  

« que d'autres parcourent la terre en quête de la faveur divine et que d'autres encore combattent dans le chemin de Dieu ». (Sourate 20 :73)

Un autre exemple tiré de sourate 43 verset 17 ou le mot Daraba est utilisé : 

وَإِذَا بُشِّرَ أَحَدُهُمْ بِمَا ضَرَبَ لِلرَّحْمَٰنِ مَثَلًا ظَلَّ وَجْهُهُ مُسْوَدًّا وَهُوَ كَظِيمٌ 

Wa idha bouchira a7adadoukoum bima daraba lirahman mathalan

« Lorsqu’on leur annonce la bonne nouvelle de (la naissance) de ce qu’ils assimilent au Miséricordieux » 

Le mot « DARABA » est utilisé pour le Miséricordieux lui-même, dans ce cas le mot signifie «assimiler » et non pas frapper. 

A travers tous ces exemples nous constatons donc que même dans le Coran le mot « DARABA » a des significations différentes. 

En conséquence on peut affirmer que le mot « darb » en arabe se définit par le contact (Moulâmasa) d’une chose par une autre.  

Ce contact peut-être soit physique ou psychologique.

Le contact peut-être physique c’est-à-dire qu’une matière entre en contact avec une autre matière s’ensuit une dégradation de la matière aussi minime soit-elle.                                                                                                                                                                                                              Dans le cadre psychologique cela peut être une émotion, une pensée au contact d’une autre émotion ou idée. Le but est d’attirer l’attention (Tanbih). 

Il faut savoir que le cadre des relations suggérées par Dieu et son prophète est aux antipodes de la violence conjugale. Le Très-Haut nous donne le modèle à instaurer dans le couple.

Dieu dit : « Et parmi Ses signes Il a créé pour vous, formées de vous-mêmes, des âmes couplées afin que vous vous reposiez auprès d'elles, et Il a établi entre vous la tendresse et la miséricorde. Il y a vraiment là des signes pour ceux qui méditent. » (Sourate 30 :21) 

La femme du prophète ‘Aichâ a dit : « Jamais le Messager de Dieu ﷺ n’a frappé quelqu’un de sa main, ni une femme, ni un serviteur [...] »Hadith rapporté par Muslim

Après avoir établi ce postulat à travers les Ecrits authentiques il faut essayer de comprendre le verset non pas selon nos objectifs notre raison ou nos aspirations, mais plutôt à travers le prisme de la Miséricorde. Cette compréhension doit se baser sur le Coran, et la Sunnah (tradition prophétique) éclairés par le travail transmis par les savants ayant reçu un enseignement authentique remontant par chaîne de transmission jusqu’au prophète ﷺ . 

En arabe on utilise aussi d’autres mots pour désigner la notion de frapper, ces mots ont des nuances qu’on ne retrouve pas forcément en français, à titre d’exemple et de manière non exhaustive on peut citer quelques exemples dans la langue arabe : 

« Fallaqahou » il l’a ouvert, « Sakkahou » il a mis une claque « Safa’ahou » il l’a frappé derrière le cou. « Rakalahou », il lui a mis un coup de pied

On peut aussi citer un exemple directement issu du Coran pour montrer qu’un mot autre que DARABA est utilisé pour parler d’un coup porté.

وَدَخَلَ الْمَدِينَةَ عَلَىٰ حِينِ غَفْلَةٍ مِنْ أَهْلِهَا فَوَجَدَ فِيهَا رَجُلَيْنِ يَقْتَتِلَانِ هَٰذَا مِنْ شِيعَتِهِ وَهَٰذَا مِنْ عَدُوِّهِ ۖ فَاسْتَغَاثَهُ الَّذِي مِنْ شِيعَتِهِ عَلَى الَّذِي مِنْ عَدُوِّهِ فَوَكَزَهُ مُوسَىٰ فَقَضَىٰ عَلَيْهِ ۖ قَالَ هَٰذَا مِنْ عَمَلِ الشَّيْطَانِ ۖ إِنَّهُ عَدُوٌّ مُضِلٌّ مُبِينٌ 

« Moïse entra dans la ville sans que ses habitants lui prêtent attention. Il y trouva deux hommes qui se battaient : l’un était de sa nation, l’autre de ses ennemis. Le premier ayant demandé son aide, Moïse frappa du poing le second et le tua. Il dit : « C’est là l’œuvre du Démon : il est vraiment un ennemi qui égare les hommes ». (Sourate 28 verset 15)

Dans ce verset Dieu a utilisé le mot « WAKAZA » pour dire frapper d’un coup de poing, il n’utilise pas « Daraba » 

Il faut préciser ici que le prophète Moise que la paix soit sur lui a du faire appel à la force pour faire respecter la justice et les droits de Dieu

Intéressons-nous au mot « Daraba »utilisé dans un autre verset coranique dont le contexte se rapprocherait le plus du verset "frappez-les".

وَخُذْ بِيَدِكَ ضِغْثًا فَاضْرِب بِّهِ وَلَا تَحْنَثْ 

Le prophète Job (Ayyoub) d’après les historiens musulmans a été très éprouvé. Il est tombé malade, et a dû rester alité durant seize ans. Il avait, d’après les récits fait le serment de s’occuper de sa femme en la fouettant une fois guérit, car elle avait quitté le domicile conjugal après avoir fait preuve d’un manque de bienséance envers Dieu durant les épreuves. Une fois la santé retrouvée, Dieu lui révéla :

« Pour ne pas rompre ton serment (vis-à-vis de moi) arrache une touffe d’herbe et contente toi de frapper avec. » (Sourate 38:44) 

Il ne faut pas rompre son serment pour ne pas être parjure ce qui est grave en soi c’est pour cela que Dieu) imposa ce geste comme alternative.

Ce verset montre la teneur du mot « Darb » qui est bien différente de ce que beaucoup d’ignorant pensent.  Il ne s’agit absolument pas de violence ni de force, ce geste relève plus de la symbolique pour montrer la désapprobation et le mécontentement.

A ce propos le compagnon et oncle du prophète ﷺ   Ibn-Abbâs qui est considéré comme l’un des plus savants en matière d’exégèse a dit en guise d’éclaircissement du verset que le mot DARABA serait une tappe symboliquement portée à l'aide d’un batonnet fin d’une dizaine de centimètres appelé siwâk. Bien-sûr cette tappe vient après toute une série de recommandations préalables. 

Les écoles de jurisprudence vont d’ailleurs dans ce sens  

Concernant l’allégation de violences conjugales de la part du prophète ﷺ

Il y a hadith stipulant que le prophète ﷺ est sorti la nuit à Al Baqi’ en prenant soin de ne pas réveiller ‘Aisha sa bien-aimée. Cette dernière s’habilla et le suivi en cachette. Il se rendit compte qu’il était suivit et elle repris rapidement le chemin de la maison pour se remettre au lit. Le prophète ﷺ la suivit et arriva juste après elle. Il se rendit compte qu’elle était essoufflée, et l’interrogea pour savoir ce qui c’était passé. Elle ne voulut pas répondre. Le prophète ﷺ la repoussa, ou poussa sa poitrine et elle eut mal. Ensuite elle avoua qu’elle l’avait suivi. Le prophète ﷺ  lui expliqua ensuite qu’il s’est levé la nuit sous les ordre de l’Archange Gabriel qui lui a intimé l’ordre d’aller demander pardon aux habitants du cimetière Al Baqi’. 

Ce passage فَلَهَدَنِي فِي صَدْرِي لَهْدَةً أَوْجَعَتْنِي  est souvent traduit d’une manière erronée par : « il me frappa violemment au point de me faire mal. » pour avancer que le prophète ﷺ était violent.

La traduction la plus conforme pourrait-être : 

Il m’a repoussé de la main et ce fut douloureux 

Le mot utilisé est « Lahada » 

En arabe ce mot a comme définition : « repousser », ou pousser avec force.  

Ce geste a fait mal à Aicha, mais la non plus, on ne connaît pas la caractéristique de la douleur. 

Enfin pour terminer il serait judicieux de faire plusieurs rappels : 

Un matin, une jeune femme nommée Habiba se présenta au Prophète ﷺ. «Qu’est-ce qui t’amène de si bon matin Habiba ?», dit le Messager ﷺ . «C’est mon mari Thabit qui m’a frappé». Le prophète ﷺ convoqua le mari immédiatement: «En guise de punition, je te divorcerai de ton épouse et la marierai à un parti meilleur que toi !» Ce qu’il fit. 

C’est une preuve évidente que Dieu et Son Prophète ﷺ ne poussent absolument pas aux violences conjugales, il appellent plutôt pour les proscrire. 

Les brimades, les violences conjugales attentent à la dignité de la personne qui en est victime, cela s’inscrit donc à l’encontre de la Tradition prescrite par Dieu et appliquée par ses prophètes et ses Saints. 

Dieu s’est fixé comme règle de toujours faire primer Sa Miséricorde. Le prophète ﷺ rapporte dans une tradition que Dieu a dit « Ma Miséricorde l’emporte sur Ma colère ». Si Dieu s’est imposé cette norme, l’Homme aussi en tant que représentant de Dieu sur terre doit aspirer à l’appliquer pour lui mais aussi pour toute la création autour de lui. » 

Dieu parle du Prophète dans le Coran en ces mots : « Et Nous ne t’avons envoyé que comme miséricorde pour les mondes. » 

Il incombe donc au croyant d’agir mais aussi de considérer toutes les affaires de ce monde à travers le prisme de la miséricorde. 

La violence conjugale est donc totalement illicite et condamnable en l’Islam.

Et Dieu est Le plus savant.

Allah 'Alam

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